Le premier touriste du monde et son histoire de voyage historique
Les statistiques sont sans appel : avant le XIXe siècle, moins de 1% de la population européenne avait vu la mer de ses propres yeux. Voyager pour le plaisir n’était pas une évidence, mais une rareté jalousement gardée par les plus fortunés. L’avènement du train, puis de la vapeur, a tout bouleversé, faisant basculer le voyage de l’exception à une pratique qui façonne notre rapport au monde.
Plan de l'article
Aux origines du tourisme : comment le voyage est devenu une aventure humaine
Le voyage n’a pas toujours rimé avec découverte choisie ni soif de nouveauté. Au Moyen Âge, quelques figures hors norme, Ibn Battûta, Marco Polo, Jean du Plan Carpin, Guillaume de Rubroek, ont franchi océans, steppes et déserts, mus par des impératifs religieux, diplomatiques ou commerciaux. Leur imaginaire débordait de royaumes fantastiques, d’eldorados inaccessibles et de territoires légendaires comme ceux du Prêtre Jean ou de Gog et Magog. Voyager relevait alors du défi réservé à une poignée d’audacieux.
Le Grand Tour, au xviiie siècle, change la donne. Ce circuit initiatique réservé à la haute société, surtout britannique, érige le voyage d’instruction en passage obligé pour les héritiers fortunés. Rome, Paris, Genève, Venise : chaque étape forge l’esprit et le statut social. Il faudra attendre la révolution industrielle et la naissance du chemin de fer pour voir émerger une toute nouvelle dynamique : le tourisme structuré et accessible.
En 1841, Thomas Cook orchestre un voyage de groupe entre Leicester et Loughborough. Il invente le voyage à forfait, pose la première pierre de l’agence de voyage à Londres en 1865, puis lance les chèques de voyage dès 1874. Les innovations s’enchaînent : brochures informatives, croisière sur le Nil en 1869, tour du monde à forfait en 1872… À chaque étape, il pose les fondations d’une industrie qui va transformer le globe en terrain de jeux partagé.
Voici ce que ces bouleversements ont rendu possible :
- Le voyage organisé fait tomber les barrières : des milliers de personnes découvrent de nouveaux horizons, bien au-delà de leur quotidien.
- Les agences de voyage transforment l’aventure personnelle en expérience collective, créant une dynamique de groupe et de partage.
- Le tourisme culturel redéfinit notre regard sur les villes et accélère la circulation des idées, des images et des sensibilités.
Qui furent les premiers touristes ? Portraits croisés de pionniers et de figures emblématiques
Impossible de désigner un seul premier touriste du monde. Ce titre se partage : le visage du pionnier prend mille formes au xixe siècle. Thomas Cook, fils d’ouvrier anglais et méthodiste convaincu, tient une place à part. En 1841, il lance le tout premier voyage de groupe entre Leicester et Loughborough. Au-delà de la simple évasion, il structure l’expérience, invente le voyage organisé et inaugure la première agence de voyage à Londres en 1865. Grâce à lui, le déplacement cesse d’être un privilège réservé à l’élite.
L’attrait du lointain ne date pourtant pas d’hier. Au Moyen Âge, Ibn Battûta et Marco Polo sillonnent l’Eurasie, animés par l’envie de comprendre, de raconter, de négocier. Leurs récits, fondateurs de la littérature de voyage, témoignent d’une curiosité insatiable mais le loisir ne guide pas encore leurs pas. Le Grand Tour aristocratique du xviiie siècle va peu à peu transformer la mobilité en marqueur social et en espace d’apprentissage.
À la fin du xixe siècle, le tour du monde à forfait devient réalité. En 1872, Cook propose un périple de 222 jours, reliant Paris, New York, Yokohama et Batavia. Peu après, la SVEAM (créée par Ferdinand de Lesseps) organise un voyage d’instruction autour du globe. Alfred Bertrand, Gaston Lemay, Louis Collot embarquent dans l’aventure, certains poursuivant même leur route après l’arrêt du voyage à Panama. Inspiré par ces odyssées, Jules Verne écrit Le Tour du monde en 80 jours, et le tourisme entre dans la fiction populaire.
Voici quelques figures marquantes qui incarnent cette évolution :
- Thomas Cook : l’homme qui démocratise le voyage organisé et rend le tourisme accessible à tous
- Ibn Battûta et Marco Polo : explorateurs médiévaux, ils posent les jalons du récit de voyage
- SVEAM : société savante pionnière du tourisme éducatif et collectif
De la curiosité à la découverte du monde : les grandes étapes qui ont façonné le tourisme moderne
Bien avant que le mot tourisme ne s’impose, la curiosité géographique animait déjà les plus intrépides. Jusqu’au début du xixe siècle, voyager relevait d’une véritable expédition ou d’une mission commerciale, et seuls quelques explorateurs ou diplomates pouvaient se lancer dans un tour du monde. Tout change avec le voyage à forfait imaginé par Thomas Cook : dès 1872, il propose aux Européens un tour du monde organisé de 222 jours, reliant de grandes métropoles de Paris à Yokohama. L’ouverture du canal de Suez en 1869 bouleverse les parcours, raccourcit les distances et ouvre la voie aux croisières touristiques sur le Nil puis autour du globe.
Le tournant du xixe siècle voit naître le tourisme de masse. Les compagnies ferroviaires, la Midland Railway en tête, collaborent avec les agences pour proposer des offres combinées (train + hôtel). Les premières brochures de voyage et chèques de voyage rassurent et structurent l’organisation des départs. Le touring club de France fédère cyclistes aventureux et amoureux des randonnées, contribuant à l’essor d’une communauté de passionnés.
Avec l’ouverture du canal de Panama et l’essor du transport aérien, la planète se rétrécit encore. Les grandes alliances comme SkyTeam, Star Alliance et Oneworld proposent des billets tour du monde qui relient désormais tous les continents. Les villes à découvrir s’égrènent aux quatre coins du globe, du cap de Bonne-Espérance à la grande muraille de Chine. Dans la foulée, le voyage d’instruction tel que l’a initié la SVEAM se mue en tourisme culturel, croisant éducation, ouverture et soif de découverte.
De la première brochure à la réservation d’un billet tour du monde, chaque étape raconte la même histoire : celle d’une humanité qui, une fois levées les barrières, n’a eu de cesse d’arpenter la carte. Aujourd’hui, le globe n’a jamais paru aussi accessible, mais chaque nouvelle aventure rappelle que voyager, c’est toujours s’inventer un ailleurs.
