Vérification de ChatGPT par les enseignants : méthodes et pratiques
Aucune règle nationale n’encadre encore la manière dont les enseignants français vérifient les textes rédigés à l’aide d’une intelligence artificielle. Pourtant, certains professeurs ont déjà instauré leur propre routine de contrôle, alors que d’autres avancent à tâtons, démunis de consignes précises ou d’outils éprouvés. Les détecteurs automatiques, eux, se trompent encore trop souvent pour inspirer une confiance totale.
Des solutions locales voient le jour : chacun bricole son protocole, se forme à la volée ou partage ses astuces dans la salle des profs. Les pratiques se transforment, évoluent en fonction des disciplines, des niveaux scolaires et des attentes de chacun. Il en résulte une mosaïque mouvante, où chaque établissement trace sa voie.
Plan de l'article
ChatGPT et l’école : état des lieux et enjeux pour les enseignants
Depuis son lancement par OpenAI en novembre 2022, ChatGPT s’est invité dans les classes françaises, du CP à l’université. Sa présence bouleverse les habitudes. Élèves, étudiants, professeurs particuliers : tous testent ses possibilités, que ce soit pour rédiger un devoir ou s’entraîner sur des exercices adaptés. Fascination et inquiétude se côtoient : la puissance de l’outil séduit, mais ses dérives inquiètent.
L’arrivée de ChatGPT dans le monde éducatif soulève des interrogations inédites. Certains y voient une chance de renforcer l’apprentissage et le soutien scolaire. D’autres y lisent un risque de banalisation du plagiat et une perte de sens dans la construction du savoir. Sciences Po Paris a tranché : recours à ChatGPT interdit pour les évaluations. Ailleurs, des approches plus nuancées émergent, comme à l’Université Côte d’Azur, où le Projet Prompt U de Serge Miranda tente d’encadrer et d’éthiciser l’intégration de l’IA en pédagogie.
Face à cette diversité d’usages, l’incertitude domine. Peut-on faire confiance aux réponses ? L’outil comprend-il toujours le contexte ? Comment repérer un texte généré automatiquement ? Les universités cherchent, testent de nouveaux formats d’évaluation : davantage d’oral, des dossiers préparatoires, pour préserver l’authenticité des travaux. Le cadre éthique s’impose comme une priorité. Oui à l’intégration de ChatGPT, mais à condition de poser des règles claires : transparence, sensibilisation aux risques, réflexion collective sur la place de l’IA générative dans l’enseignement.
Comment repérer un devoir rédigé par une intelligence artificielle ?
À l’université comme au lycée, l’authenticité des devoirs n’est plus un sujet marginal : c’est un enjeu partagé par tout le corps enseignant. Les professeurs examinent désormais les copies avec un œil neuf, à la recherche de signes qui pourraient trahir une rédaction automatisée par ChatGPT ou un autre outil d’intelligence artificielle. Premier indicateur : le style d’écriture. Un texte soudainement neutre, d’une structure irréprochable, sans faute ni marque personnelle, contraste vite avec les écrits habituels d’un élève.
Pour vérifier, beaucoup s’appuient sur des logiciels de détection du plagiat comme Turnitin ou Plagiarism. Mais ces outils peinent avec le contenu inédit produit par l’IA, qui ne se contente pas de copier. Face à cette limite, les universités innovent : elles font évoluer les modes d’évaluation, multiplient les QCM chronométrés, privilégient les oraux ou réclament des brouillons et des étapes de travail. De cette manière, il devient possible de suivre le raisonnement de l’élève, de l’interroger sur ses choix ou de vérifier sa compréhension du sujet.
Le dialogue reste un outil précieux. Demander à l’élève de détailler sa démarche, d’expliciter ses arguments, permet souvent de lever les doutes sur la provenance réelle du texte. Quand la fraude est avérée, les sanctions tombent : exclusion temporaire, invalidation d’examen, voire poursuites disciplinaires selon le règlement en vigueur. Mais le souci d’équilibre demeure : vigilance, oui, mais avec une démarche pédagogique.
Vers une intégration responsable de l’IA dans les pratiques pédagogiques
Dans les salles de classe, l’intelligence artificielle ne se résume plus à la traque des tricheurs. De nombreux enseignants misent désormais sur la sensibilisation et l’acquisition de la pensée critique pour guider les élèves face à des outils comme ChatGPT. L’enjeu : accompagner plutôt qu’interdire, former au discernement plutôt que sanctionner à tout-va.
Voici les priorités qui structurent ces nouveaux usages :
- Apprendre aux élèves à évaluer la fiabilité des réponses fournies par l’IA.
- Systématiser l’analyse du contexte et la vérification des sources.
- Favoriser la rédaction collaborative : l’IA devient un partenaire de réflexion, mais jamais un remplaçant du travail personnel.
Des initiatives se multiplient. Le Projet Prompt U porté par Serge Miranda à l’université Côte d’Azur propose par exemple un cadre éthique solide : il encourage des usages transparents et invite à interroger les limites de l’IA générative. France Université Numérique, sous l’impulsion de chercheurs comme Sophie Kennel, développe des modules pour enseignants et étudiants afin d’ancrer une utilisation raisonnée des outils numériques.
Pour les enseignants, la mission évolue : il ne s’agit plus seulement de surveiller, mais de donner les moyens d’utiliser ChatGPT sans tomber dans le piège du copier-coller. Le cœur du métier se redéfinit : transmettre une méthode, une vigilance, une éthique. Cette évolution transforme la relation au savoir : elle rend indispensable la co-construction, encourage la réflexion collective et appelle chacun à exercer son propre discernement.
Demain, la salle de classe pourrait bien devenir l’un des rares espaces où l’intelligence humaine et l’intelligence artificielle apprennent à dialoguer sans se confondre.
